Femmes et santé mentale : CATHARSIS, editions des Bêtes d’hier, un livre choral et antipsychiatrique

En 2017, j’ai participé au recueil CATHARSIS du collectif féministe Les bêtes d’hier, qui explore à travers divers textes et œuvres visuelles, les liens entre femmes et santé mentale, dans un eperspective antipsychiatrique.

Cette publication a été importante pour moi, non parce que c’est un accomplissement prestigieux pour ma “carrière dans le monde de l’art”. Parce que ce fut la première fois que je me suis sentie vue, entendue et comprise dans les difficultés avec ma santé mentale, que j’exprimais depuis des années sous le couvert de l’art, et je suis reconnaissantes que les Bêtes d’hier l’ai vu, au delà des préoccupations esthétiques habituelles attachées à la production artistique. La création a été un exutoire à une époque où je n’avais pas de voix pour extérioriser ces traumas, où la terreur était le mode par défaut, où la cloche de verre était si suffocante et permanente que je la prenais pour ma propre peau. Je sentais que quelque chose ne tournait pas rond, mais la honte et la peur de demander de l’aide était terrible, lourde de la croyance que cela passerait tout seul, que j’étais une fille intelligente qui s’en sortirait toute seule (comme me l’ont dit les quelques proches à qui je me suis confiée) Breaking news : les troubles mentaux ne passent pas tout seul avec le temps. (ou alors t’es vraiment chanceux.se!) ils deviennent de plus en plus forts jusqu’à ce qu’on daigne regarder la blessure purulente et commencer ce travail de longue haleine qui consiste à la soigner, à la panser/penser, avant même qu’il soit question d’en guérir.

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Ce n’est pas courageux de souffrir en silence : c’est courageux de demander de l’aide.

Ce n’est pas fort d’endurer, encore et encore : c’est fort de dire stop à la course folle qui nous distrait – pour un temps seulement- des traumas non résolus.

Ce n’est pas faible de se reposer : à l’heure qu’il est, c’est une nécessité.

Ce n’est pas noble de tenter désespérément de se conformer aux demandes d’une société déglinguée qui pointent les hypersensibles, les inadaptés, les addicts comme des échecs, de courir après ce qu’on nous vend comme des laisser-passer pour le bonheur : argent, job, relations, procréation, beauté et j’en passe…

Mais voilà, arrive 2020 et le réveil a sonné et snoozer indéfiniment rend la guérison individuelle et collective encore plus douloureuse et longue.

Mais voilà, dans une période de crise comme nous la vivons, dans le chaos et le désespoir de l’inconscient collectif dont nous ressentons les débris, il me parait essentiel de faire passer ce message, qui a égrener mon travail artistique depuis le début : tout le monde souffre de troubles mentaux et émotionnels, nous sommes tous traumatisés quelque part, qu’on le refoule et le cache à soi même et aux autres. C’est d’autant plus difficile de se l’avouer que l’injonction de normalité sociétale se fait maintenant à travers les façades de vies qu’on brandit sur les réseaux sociaux et qui ne font qu’approfondir la croyance que nous sommes seuls dans notre difformité et malheur, que tout le monde va bien, sauf moi. C’est crucial de le comprendre dans un contexte de dématérialisation des rapports humains, que nous ne sommes pas des publicités de nous-mêmes, des produits nécessitant l’aval des autres (désormais vus comme consommateurs de notre contenus de bonheur.)

Il est essentiel de faire ce travail thérapeutique colossal - le seul travail valable aujourd’hui -qui est de regarder en face cette souffrance et de la conscientiser, de la vivre sans chercher à la modifier, moduler, fuir, ou annihiler.

Saches que lorsque tu entreprend cette tâche, nous sommes toutes autour, à veiller en silence, à verser la même eau salée en prière de réconfort. Sens ce cocon de lumière, léger et solide comme une toile d’araignée, de mon cœur au tien. Saches que c’est notre guérison qui advient quand tu te guéris toi-même.

J’ai passé beaucoup de temps à attendre qu’on reconnaisse et voie ma dépression comme preuve qu’elle est valide, lorsque je fuyais sa simple vue de milles manières possibles (l’addiction en étant l’exemple le plus évident) Les personnes qui l’ont vues et accueillie avec compassion sont les plus chères à mon cœur, mais il reste que le travail d’acceptation et de reconstruction restent ma responsabilité seule, même si c’est plus facile avec leurs encouragements et bienveillance.

Je crois en toi, je crois en nous. Sil te plait demande de l’aide. Un.e psy, therapeuthe energeticien.ne, prés de chez toi, en ligne, des groupes de paroles, des forums, un.e ami.e, un.e enseignant.e… Dépose le fardeau pour traverser la rivière. Ne te retourne pas pour voir ce que tu quittes, le futur est sur l’autre rive. Celle ou l’on réalise enfin que l’on ne nait pas folles, on le devient. Et qu’ on s’en sort, lentement mais surement, pour raconter nos histoires, notre ELLEstoire.

Pour vous procurer le recueil CATHARSIS, c’est par ICI.

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